Arrivée

Entendre les pensées suffisait-il pour pouvoir comprendre une femme comme Mélina? Peut-être... Mais il serait quand même assez mal barré, le pauvre surveillant. Pas de chance d'être tombé sur cet élève. Lou était là, peu présente en général, mais mieux valait l'attendre plutôt que de s'adresser à Mélina, pensaient les élèves. Saleté de gamin, sadique. Sans doute un morpion de Phobos ou d'Arès. Ou un petit frère de la jeune femme.

Enfin, actuellement, Mélina était loin de ces pensées. Elle était penchée sur un petit paquet de feuilles, fraîchement sorties d'internet. La source qu'elle avait trouvé lui avait semblé fiable. Parce qu'elle était bien belle, la bibliothèque, mais elle se voyait mal faire étudier le mythe de Zagreus à ses élèves dans un texte en latin, en langage soutenu qui plus est. Ils n'y comprendraient rien, au milieu de toutes ces déclinaisons. Et puis elle ne voulait pas plancher des heures sur ce sujet, alors...
Mais le problème, c'était qu'internet était une véritable mine à n'importe quoi. Aussi, s'il lui avait fallu bien des efforts pour trouver ne serait-ce que le mythe en entier, maintenant, elle était en train de l'éplucher pour être certaine qu'il n'était pas erroné. Certains diront qu'elle n'avait qu'à le taper elle-même sur son ordinateur pour le tirer ensuite. Oui, mais la mémoire est quelque chose d'insondable. Elle aurait aisément pu oublier un détail clef dans son cours et donner des photocopies ainsi donc fausses aux élèves. Tandis que là, elle n'avait qu'à vérifier que c'était juste.

Jusqu'à ce qu'elle entende frapper à sa porte. Elle releva lentement le visage, non sans se demander qui pouvait être le fou qui osait la déranger à cette heure. Ca, ce n'était pas quelque chose qui arrivait souvent. Elle se leva néanmoins, lentement, les pensées sur les raisons de sa présences se bousculant dans sa tête.
La porte s'ouvrit sur la jeune femme aux boucles noires, qui ôta ses lunettes carrées de son nez, pour jauger le surveillant du regard. Oh non, encore un gosse qui s'est paumé...

"Ты, ты новое..." (1)

Quel était le sadique qui l'avait dirigé ici au lieu de l'envoyer dans le bureau de Lou? Pff... Elle poussa un léger soupir, un peu dépassée par ces méthodes de bizutages. Elle n'était pas un outil à traumatiser !

"Bonjour. Vous êtes perdu, apparemment... Vous cherchez votre bungalow?"

Son accent russe léger lui faisait rouler les r et employer une intonation particulière.

"Quel est ton parent divin? J'vais te diriger vers le délégué, et il te conduira..."

----------------------------

(1) Toi, t'es un nouveau...

Parent divin ?

Christophe passa sur l'expression. Il devait avoir mal compris. Par contre, les pensées de la prof étaient très claires. Elle le prenait pour un élève. Elle avait d'ailleurs un très joli accent russe. Mais qu'est-ce que c'était que ces pensées sur des enfants de Phobos ou d'Arès ? Le surveillant passa. Il répondit à la femme, un peu intimidé par sa beauté.

- Non, vous vous trompez, je ne suis pas un élève mais le nouveau surveillant.

Il ne s'offusqua pas du fait qu'elle se soit trompée sur son âge. Il savait qu'il faisait beaucoup moins de vingt ans. Il entendit dans ses pensées quelque chose à propos d'un texte en latin impossible à faire lire aux élèves et long à traduire. Il se rappela de proposer son aide à la jolie russe dès que possible. Mais il devait pour l'heure entrer en fonction. Il sortit donc la lettre d'embauche et demanda.

- J'ai été engagé pour un travail de surveillant, mais vous devriez m'expliquer certaines choses. L'organisation du lycée, des dortoirs, les horaires... Et cette histoire de parent divin. Ou j'ai mal compris ? Je parle le grec et le latin couramment depuis longtemps mais une erreur est toujours possible.

Voilà, il avait réussi à glisser qu'il parlait le latin. Donc elle pouvait lui demander son aide ou pas pour traduire le texte. Il avait d'autres questions mais il attendrait pour les poser. Entre autres, comment se faisait-il que des élèves de nationalités aussi différentes soient réunis au même endroit et parlent le grec ancien plutôt que l'anglais ?

[hrp : pardon du temps de réponse, mon ordi a gelé et j'ai tout perdu à mon tour... Ah et tu comptes pas me faire le coup de la drague, là, pauvre fou oO ! XD]

Nouveau surveillant? Ah... Soit il était jeune et c'était encore une excentricité de Lou, soit il faisait beaucoup plus jeune que son âge... Quoiqu'il n'avait pas l'air d'un imbécile. Elle penchait donc plus pour la deuxième option. Le voyant tendre sa lettre d'embauche, elle la prit dans ses mains et remit ses lunettes sur son nez pour la parcourir des yeux. Gnagnagn... Christophe Danglois. Bien. Donc, visiblement, il avait été appelé sans qu'on l'informe de la nature exacte des lieux. Mais s'il avait été engagé, c'était qu'il avait une ascendance divine. Cela signifiait encore autre chose : comme elle, il n'avait pas suivi ses études ici. Mais il pouvoir voir l'île, ce qui était une garantie quasi-parfaite. Et donc, comme un élève avait trouvé ça amusant, on l'aiguillait chez elle... Génial.

"Нищета..."(1)

Elle lui rendit la lettre en même temps qu'elle ôta à nouveau ses lunettes, pour mettre la branche entre ses lèvres et jauger l'homme de son air naturellement froid. Bon... C'était elle qui allait se farcir les explications. Attendez qu'elle chope le responsable...

"Non, non, il n'y a aucun problème de compréhension. Entrez donc, et mettez vous à l'aise, je vais vous expliquer."

Elle-même parlait latin, et elle aurait pu très mal prendre l'aide de l'homme. Etant donné que ça partait d'un bon sentiment, mais que ça remettait en doute ses capacités...
La professeure s'effaça sur le côté, ouvrant la porte un peu plus pour lui permettre d'entrer. Elle n'avait pas de bureau, et la conversation semblait bien partie pour se faire dans une ambiance... Hm, supposée chaleureuse puisque c'était sa chambre, mais...

"Bien, Monsieur Danglois..."

La jeune femme referma derrière lui.

"Vous êtes... Hm, français, je suppose? Vous avez déjà étudié la mythologie?"

Ca, on voyait de suite que c'était son domaine. Les étagères regorgeaient de livres sur différentes théologies, entre deux dictionnaires de diverses langues, se battant entre eux, du grec au latin en passant par l'hébreux.

-----------------------
(1) Misère...

[hrp : Nan, vais essayer de le caser avec Akira ^^ ]

La nature des lieux ?

Comme ce n'était qu'une pensée de Mélina, qu'elle s'apprêtai d'ailleurs à expliquer, il ne dit rien. Il entra dans la chambre aux murs noirs mais très design à sa façon. On disait que la chambre d'une personne était semblable à son âme. Ca n'était peut-être pas si faux. Il entendit les pensées à propos du texte et rougit. Il avait juste voulu aider. Extérieurement, il avait l'air d'avoir virer au pivoine sans raisons. Il se reconcentra sur Mélina et ses explications. Parallèlement, il sentait de la colère contre l'élève qui l'avait envoyé ici. Elle referma la porte derrière lui. Elle lui demandait s'il avait déjà étudié la mythologie. Christophe avait toujours adoré cela. La prof avait des étagères pleines à craquer de bouquins sur la théologie. Si cela la passionnait, ils étaient fait pour s'entendre.
Aux pensées de Mélina, il s'attendait un peu à ce qu'elle lui dirait mais il préférait qu'elle éclaircisse le principe. Il joua donc le mortel paraitement normal paumé dans un monde de fous.

- Oui, j'ai étudié la mythologie, j'aimais beaucoup, d'ailleurs.

Mélina ne put retenir un petit rire.

"Vous aimiez? Ne vous moquez pas de moi. Si vous êtes ici, c'est que vous êtes à un stade supérieur à l'appréciation des choses."

Elle s'avança dans la pièce, dans un pas lent et calme, de sa démarche légèrement féline pour s'assoir sur un fauteuil, non loin du lit principal. L'obscurité de la pièce ne semblait la gêner d'aucune façon, alors qu'elle jaugeait le jeune homme du regard. Il ne lui avait pas répondu, elle resta donc sur la possibilité qu'il fut français. Et passa du grec au français en parlant, sans éprouver de difficulté apparente. Elle avait fait ses études en France alors (j'viens de capter que Mélina parle couramment quatre langues dont deux mortes Oo)...

"Je réitère ma première question : quel est votre parent divin? Si vous avez pu mettre les pieds ici, c'est que, comme tout le monde, vous avec un parent divin. Vous n'avez pas l'air stupide... Vous êtes visiblement timide, à rougir pour rien, donc vous n'avez rien à voir avec Eros ou Aphrodite, ou encore Apollon... Athéna, peut-être? Ou un dieu mineur... Hmm, il y en a tant, n'est-ce pas?"

La jeune femme étira un sourire légèrement moqueur alors que son ombre quittait ses pieds pour quitter la pièce et partir à la recherche de l'élève coupable.

"Cette école regroupe des personnes de nationalités si diverses qu'il est difficile de savoir lesquelles avec exactitude. Un seul point commun : le sang divin qui coule dans nos veines."

Sa manière froide de se tenir, de parler, cinglante, tranchante à sa manière, Christophe, avec un peu de jugeote, n'aurait aucune difficulté à trouver son parent divin.

"Vous avez été appelé sans doute en rapport avec cela. Maintenant, vous sentez vous capable de gérer tout ces petits bambins avec une force égale à celle d'Héraclès ou d'Achille?"

Elle parlait toujours en français, langue dans laquelle son accent semblait moins prononcé et duquel ne subsistaient que les r roulés.

Mélina avait deviné qu'il était français et avait continué dans la langue de Molière. Mmhh... Ce n'était pas le français des livres, elle devait avoir passé un certain temps dans le pays. Vers Paris, probablement. Elle lui demandait qui était son parent divin. Elle était sérieuse, elle ne le faisait pas marcher. Et elle lui demandait si il se sentait capable de gérer des Héraclès en devenir. Tant que c'était en devenir...
Il se souvint de la lettre qu'il avait trouvée sur sa table de chevet le lendemainde sa sortie de l'hôpital psychiatrique. A l'époque, il avait cru à un canular, mais après tout... Il n'avait rien à perdre, il décida donc de s'embarquer dans cette histoire fantastique.

- Je pense être un fils d'Athéna. Et je m'estime capable de gérer ces enfants.

Avec sept ans de capoeira dans les pattes...

La professeur avait eu l'air d'en douter en posant la question. Il savait qu'il aurait du être plus surpris de cette révélation, ce n'est pas tout les jours que l'on débarque dans une école de demi-dieux, mais il prenait la nouvelle avec un flegme remarquable. Tant qu'on ne lui demandait pas d'attraper le Pégase... Et puis, ces jeunes lui avaient parus différents, il comprenait maintenant pourquoi.

Mélina ne quittait pas son sourire, froid, légèrement moqueur. Tss... Encore un jeune naïf.

"Vous pensez être un enfant d'Athéna? Je vois... Vous n'avez vraiment pas de chance d'être tombé sur moi. Lou aurait été bien mieux capable de s'occuper de vous, en tant que votre soeur aînée."

Elle eut un vague ricanement. Elle ne savait pas ce qui faisait que ce jeune homme s'estimait capable de maintenir ces jeunes chiots en place, mais elle ne se serait pas attendue à un pion fils d'Athéna. Ca, c'était plutôt dans la bibliothèque ou dans une salle de classe qu'on les trouvait. En pion, il leur fallait déjà plus d'endurance, de force, mais aussi de patience. En général, les enfants d'Artémis - pour la patience - et ceux d'Arès - pour mater ces morveux - étaient les plus indiqués. Il y avait aussi la catégorie sale-pion-de-merde-qui-aime-casser-les-gosses dans laquelle se rangeaient les rejetons d'Hadès. Ou le grand pion qui fait peur - descendant de Thanatos. Brr...

"Vous estimez capable est une chose. Mais n'oubliez pas qu'il y a des enfants d'Arès, têtes brûlées qui savent parfaitement se battre, ou d'Héphaïstos, qui ne sont pas moins redoutables. Je ne connais pas vos dons ni vos capacités. Mais sachez que ce que vous savez sur la mythologie ne vous sera pas inutile. Pour résister au charme des enfants d'Aphrodite, la force de ceux d'Arès, la ruse de ceux d'Hadès."

Elle souriait toujours.

"Faites preuve d'originalité. C'est le meilleur conseil que je peux vous donner. C'est ce qui vous a amené ici : les élèves me perçoivent comme la méchante prof. Ils ont du vous prendre pour un élève et vous emmenez au bizutage. Sinon, vous avez un bureau pour les surveillants au rez-de-chaussée, la pythie est au grenier, et votre chambre, dans le couloir - vous devriez avoir une plaque avec votre nom dessus. Bienvenue parmi nous, Christophe. Vous désirez autre chose?"

Elle ne l'estimait pas capable d'encadrer ces gosses. Christophe n'avait pas besoin de lire dans les pensées de Mélina pour le sentir. Lui non plus n'aurait pas fait confiance à un mec de vingt ans qui en paraisait seize. Mais il n'avait pas demandé ce job, il avait reçu la lettre par surprise. C'était donc que la directrice, sa demi-soeur apparemment, le croyait capable de réussir. Mélina lui avait donné un précieux conseil : faire preuve d'originalité. Le nouveau surveillant nota. Les gamins désobéissants d'Arès et compagnie n'avaient qu'à bien se tenir. Il "entendit" ce que pensait Mélina des pions qui arrivaient généralement. Il était patient et quant à mater les morveux, il saurait s'y prendre. Oh, bien sûr, il était incapable d'être sadique, mais il aimait l'ironie. Il resterait à ce poste, il se le promit. L'an prochain, il postulerait peut-être à la bibliothèque.

- Non, Mademoiselle, je pense n'avoir plus besoin de rien. Bonne fin de journée, et bonne chance pour vérifier le cours que vous avez trouvé sur internet.

Il sortit sans essayer de voir la réaction de Mélina à sa remarque. Il remit ses lunettes noires aux verres réfléchissants. Il allait en avoir besoin, vu le monde qu'il y avait dans cette école. Il partit d'un bon pas dans les couloirs du manoir.

[hrp : fini après ta réponse, ok ?]

[uiui]

Mélina haussa un sourcil à la réponse. Ah... Télépathe, empathe, ou un truc du genre? Ou capable de voir à travers les murs? Qu'importe, ce genre de pouvoir lui serait utile face à des élèves. La jeune femme l'observa s'éloigner en s'appuyant à l'encadrement de la porte, les yeux reflétant ses pensées calmes et songeuses. Elle lui donnait... Une semaine de bizutage, peut-être deux, et de vrais problème d'ici deux semaines. D'ici là... On verrait bien ce qu'il en est.

La jeune femme retourna dans sa chambre en fermant la porte, jubilant à moitié. Bon, maintenant, ce qui l'attendait était moins drôle...

"A nous deux, Zagreus, grogna-t-elle en s'installant à son bureau."

-RP CLOS-